LE REBOND DES SÉNIORS SUR LE MARCHÉ DE L'EMPLOI !

 
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Je suis née le 3 juin 1967. J’ai donc 54 ans aujourd’hui.

L’an dernier, à la même date, j’avais rédigé un bref article dans lequel :

  1. je disais à quel point j’aimais le jour de mon anniversaire (et je fais le constat que ce plaisir grandit au fur et à mesure que j’avance en âge : qu’est-ce que ce sera dans 20 ans ? !!!) *(note de bas de page 1)

  2. je traitais du « poids de l’âge » dans un process de recrutement de façon plutôt légère (https://www.ipsee.fr/jadore-le-3-juin ).

Cette année, peut-être vais-je être un peu plus sérieuse, car le contexte actuel m’a beaucoup amenée, au fil des derniers mois, à travers mes entretiens réseaux, à écouter des « séniors » (au fait, on est « sénior » à partir de quel âge aujourd’hui ???) me parler de leur recherche, et au-delà de leur recherche, de leur angoisse.

Le postulat de départ est que les personnes avec qui j’échange ont toutes de « très beaux » profils (Cf. mon positionnement en tant que recruteuse), qui cochent souvent les cases d’une formation élitiste « à la française », ont eu jusqu’à présent un parcours ascendant, avec des responsabilités croissantes, au sein d’entreprises fortes, exposées, à impact, etc.

Par ailleurs, les questions évoquées sont souvent les mêmes : quid de l’impact de la crise du Covid sur ma recherche ? vais-je retrouver le même type de périmètre ? de rémunération ? vais-je encore pouvoir trouver un projet à la hauteur de mes envies et de mes ambitions ? dans combien de temps ? mon CV est-il seulement encore regardé par les cabinets ? etc.

En d’autres termes, un grand nombre de cadres sup français séniors se demandent si elles / ils sont toujours « bankables ».

Ce questionnement sur l’employabilité des plus de 50 ans n’est pas nouveau. Il a en outre toujours été accentué en périodes de crise (il touche également l’emploi des débutants, ne l’oublions pas). 1991, 2003, 2008 n’ont pas épargné ces tranches d’âge, pas plus que ne le fait la crise du Covid.

Je prends donc l’opportunité de ma date d’anniversaire, et donc de mon statut de « sénior confirmée » (si, si !) et de recruteuse expérimentée comme prétexte pour parler du rebond des plus de 50 ans sur le marché de l’emploi actuel.

Avant toute chose, lorsque l’on se retrouve en recherche d’emploi en tant que sénior, il faut se rappeler que garder le moral est LE socle sur lequel la suite sera bâtie**(note de bas de page 2) .

Éprouver de l’angoisse lorsque l’on perd son job et que l’on n’est « plus tout jeune » est plus que légitime. Nous sommes en France, pays où le travail est une valeur hors de laquelle il n’y a point de salut (vision discutable, éventuellement une autre fois) et où il est toujours assez mal considéré de ne plus être en poste, surtout lorsque l’on s’est distingué, jusqu’alors, à travers une carrière exemplaire.

 

À la crainte d’être jugé.es par les recruteurs (comment se fait-il qu’elle / qu’il soit « hors poste » ? qu’est-ce que ça cache ?), s’ajoute la peur de l’entourage proche qui, dans un pays où l’optimiste n’est pas forcément culturel, on imagine vite le pire : la chute, la déchéance, … le déclassement.

À cela, j’aimerais dire deux choses :

  1. les recruteurs (cabinets et entreprises) qui ne comprennent pas de nos jours qu’aucun cadre ne fera l’économie d’un temps de chômage dans sa carrière sont hors sol. La perte d’un emploi n’épargne personne , et depuis fort longtemps. L’un de mes mentors chez Mercuri Urval, @Hubert L’hoste, n’avait-il pas déjà écrit, dans les années 90, un livre qui donnait des conseils aux cadres au chômage ? Les crises successives n’ont fait qu’accentuer et densifier ce phénomène.

  2. les personnes concernées par cet article, comme évoqué plus haut, sont souvent dotées de capacités et de moyens (diplômes, réseaux, socles de réalisations professionnelles, assises financières) qui devraient leur permettre d’activer des réflexes de sérénité. Nous bénéficions de systèmes d’amortissement forts, dans un pays en paix et économiquement solide, quoique l’on en dise. Et … nous avons deux bras et deux jambes, associé à un cerveau qui, au-delà de 50 ans continue souvent de très (TRÈS !) bien fonctionner (si, si bis) !

 

En d’autres mots : il n’y a aucune raison objective pour qu’un profil de cadre ne rebondisse pas ! Sauf gros souci de santé physique et / ou psychologique, sachant que ceci n’est pas toujours le privilège de l’âge….

Se comparer à des populations défavorisées (personnellement je pense souvent aux femmes caissières avec enfants en bas âge qui font 3 :00 de trajet par jour pour mesurer encore plus ma chance), ou encore à des pays où manger est la préoccupation première n’aide pas, c’est une réalité. Mais … ça permet parfois de se rendre compte de la force qui est en nous et autour de nous, et peut-être, d’être capable de la mobiliser plus rapidement !

Voici maintenant les autres points que j’aimerais partager avec vous :

  • la moyenne de recherche d’un cadre supérieur sénior AVANT la crise du Covid était entre 9 et 18 mois. Bien sûr, on peut trouver avant, on peut trouver après. Néanmoins ce constat me semble devoir être considéré comme un point très positif. Si je ne trouve pas un job rapidement (malgré mon talent, ma carrière, mon réseau, etc.), ce n’est pas parce que je suis nul.le. C’est juste parce que c’est … la norme !

    Considérer une recherche d’emploi comme un marathon, et non comme un sprint, est un cadre mental à définir très tôt dans sa démarche, et qui me semble être l’un des garants d’un bon équilibre psychique pour gérer la dimension « temps », et atteindre les objectifs !

 

  • depuis une quinzaine d’années, lorsque mes interlocuteurs me demandent conseil sur prendre ou ne pas prendre un accompagnement, je réponds systématiquement : prenez ! Je le fais de façon d’autant plus détachée que je ne propose pas moi-même ce type de prestation (je connais d’excellents partenaires en revanche !). En effet, quelle que soit notre force mentale, la solidité de notre réseau, la qualité de notre entourage, rien de nous met à l’abri de « coup de blues », ou d’évènements difficiles à décrypter, qui peuvent, sinon nous anéantir, au moins nous ralentir et amoindrir la portée de nos actions. Un « speaking partner » objectif et bienveillant est un atout précieux pour prendre de la distance et gagner en efficacité !

 

  • une recherche d’emploi, c’est de la prospection ! Plus vous génèrerez d’actions, plus vous aurez de résultats ! Multiplier les contacts, les entretiens réseaux, les réponses à des offres, la visibilité via les réseaux sociaux, la présence à des tables rondes, conférences et autres think tanks est absolument nécessaires et … portera toujours (TOUJOURS !) ses fruits !

    Néanmoins, l’idée n’est pas non plus de « se tuer  à la tâche », afin de conserver une fraîcheur et un enthousiasme perceptibles en entretien. Sortir, profiter, se nourrir de l’énergie de ses proches, d’un film, d’une expo, d’une randonnée, (bon OK, OK, ces derniers temps ça n’a pas été folichon !), que sais-je ? permet d’éviter une forme d’aridité dans laquelle chacun peut tomber si le processus de recherche est trop éreintant.

    Surtout que, statistiquement, on a plus de « chance » d’avoir des réponses positives que négatives (c’est un fait !). Donc, s’y préparer et inviter la légèreté autant que possible est indispensable pour vous nourrir, et vous donner l’énergie, l’aura, l’impact nécessaires lorsque vous passez des entretiens d’embauche, au moins autant que bosser à fond sur votre projet !

 

  • faites un travail approfondi sur votre parcours, bien sûr, vos forces, vos compétences (cruciales, les compétences), vos qualités personnelles, vos remises en question, etc.! Ayez un solide CV (c’est important le CV, et … ce n’est pas si simple à faire !). Mais surtout, surtout, réfléchissez à deux choses essentielles :

* quelles sont vos motivations profondes actuelles ? Les motivations se transforment au fil d’une vie et d’une carrière. Même si la base de notre personnalité et de nos envies est forte, ce qui nous meut le matin au réveil est souvent assez différent de ce qui nous mouvait il y a 30 ans.

La vie est passée par là, avec son cortège de bonnes et moins bonnes nouvelles, et surtout (surtout), nous nous sommes davantage affranchi.es des injonctions dans lesquelles nous avons grandi professionnellement au sujet de ce que doit être une « carrière réussie ».

Il serait bien trop long d’explorer finement ici la dimension de la recherche de « sens », mais … elle est bel et bien présente et accentuée depuis la crise actuelle, bien sûr, mais depuis plus longtemps que cela, très profondément. De mon « balcon de recruteuse », j’observe une forte accentuation de ces questionnements et aspirations depuis la crise de 2008.

Nous voulons avoir des carrières plus alignées avec nos élans et moteurs profonds. Nous voulons travailler avec des gens, et dans des contextes, porteurs de valeurs.

Bien sûr, nos référentiels respectifs sont tous singuliers (là encore une notion qui m’est chère !), et ainsi en va de la notion  de sens, de valeurs, de bien-être, de réussite, de fierté, …. Mais globalement la tendance est là : les codes de la réussite sont en train d’évoluer. Et pas seulement chez les « GEN Y ». Nos fameux « séniors » mettent eux aussi beaucoup la recherche de « sens » au cœur de leurs aspirations profondes !

On  n’a qu’une vie ! Tout ce que l’on gâchera sur l’autel d’un job insatisfaisant ne pourra pas se rattraper !

 

  • De façon plus pragmatique, réfléchissez profondément à la variable « économique ». Il y a ce que vous avez gagné dans votre vie, il y a ce dont vous avez (réellement) besoin pour vivre, et il y a le « juste » niveau de rémunération qui correspond non pas à ce que DOIT gagner un cadre de votre niveau, mais à ce que vous avez envie de gagner parce que cela correspond de façon « juste » à votre statut, votre contribution, vos valeurs et, encore une fois, vos à vos aspirations. Cet exercice, fait dans l’intimité de votre réflexion, évite bien souvent l’écueil, soit d’accepter une piste inspirante, mais qui vous placerait dans une situation financière délicate, soit celui de refuser ce qui pourrait bien être LA belle expérience de votre carrière.

Enfin, gardez bien à l’esprit qu’il n’existe aucune règle sur ce que « DOIT ÊTRE » un parcours professionnel. Il sera comme votre vie, fait de hauts et de bas, de magnifiques réalisations, de passages moins exemplaires, de longues aventures et de plus brefs passages, d’entreprises emblématiques et de noms plus modestes (ETI, Licornes, gazelles, PME, … !). Encore une fois, acceptez la singularité, de votre parcours et de vos envies, VOTRE singularité. Et défendez-la ! Avec enthousiasme et authenticité.

Juste parce qu’elle vous ressemble et qu’elle est aussi le fruits des contextes que vous avez traversés.

Séniors, je vous souhaite un magnifique rebond : l’avenir est à vous !

*bon, je déteste les « 5 », donc l’an prochain, je serai sous les radars !

** et pour conserver le moral, tous les moyens sont bons : réfléchissez à ce qui vous donne le sourire et … foncez (dans la limite des lois de ce pays